Romans québécois

Atuk, Elle et nous

«On dit habituellement que les premiers livres sont personnels et les suivants, de moins en moins. Moi, on dirait que c’est le contraire. Plus j’écris, plus ça devient personnel», explique-t-il, le regard rempli de fierté pour ses ancêtres qu’il a voulu personnifier dans sa troisième œuvre de fiction ici en réédition, Atuk, elle et nous. «Michel, l’indien, tu l’as en toi.» C’est cette phrase, prononcée par une de ses cousines aux funérailles de sa grand-mère, qui a fait jaillir en Michel l’idée d’écrire au sujet de ses origines, de sa grand-mère née Innue et ayant choisi le monde des blancs par amour d’un homme, son beau François-Xavier.

À la lecture d’Atuk, elle et nous, j’ai pris conscience que malgré les nombreux cours d’histoire que j’ai suivis dans mon parcours scolaire, je ne connaissais rien de la vie des Innus qui sont, après tout, les premiers habitants du territoire que nous occupons maintenant. L’auteur profite de son récit pour nous décrire comment les choses se passaient pour les indiens qui vivaient dans le bois, comment ils se nourrissaient, leurs techniques de chasse, les relations entre les membres d’une famille. Le tout sans que nous n’ayons l’impression de sortir de l’histoire qui nous est racontée.

Divisé entre deux personnages, deux mondes, celui de Michel à notre époque et celui de sa grand-mère au fil de sa vie, le récit d’Atuk, elle et nous est si bien mené que les changements de personnages et d’époques se font tout naturellement. Ces deux vies en parallèle, l’une dans le bois, l’autre dans la modernité, sont liées par le sang et un petit quelque chose de plus profond.

Tout au long des chapitres de la grand-maman, on ressent l’amour qu’elle a au départ pour la nature, son grand-père, le Pekuakami, puis pour l’homme qui lui chavire le cœur alors qu’elle n’a que 17 ans. Dans ceux où Michel prend la parole, on sent la recherche d’identité, le désir de connaître ses origines, puis aussi un respect et une tendresse palpable pour cette grand-maman venue d’un autre monde.

«Nous sommes restés un long moment ainsi. Deux êtres silencieux que près d’un siècle sépare, unis par des souvenirs et ce lac dans lequel se mire le ciel étincelant.»

Les descriptions du territoire, des grands espaces et de la forêt que nous offre l’auteur sont si bien rédigées que j’avais l’impression de me retrouver vraiment dans le bois, de sentir l’odeur  de sapinage et le vent sur ma peau.

On aurait aimé plus de chapitres pour rester plonger dans cette histoire qui suinte d’appartenance et met en valeur l’écriture de Michel Jean qui se bonifie avec le temps. Et ce livre, à la page couverture magnifiquement illustrée en réédition par Marike Paradis, ne restera pas dans ma bibliothèque. Je le prête tout de suite pour faire vivre toutes ces émotions à quelqu’un d’autre.