33, chemin de la Baleine
ll est rare que les gens s’aventurent à me parler de leurs lectures, encore plus rare qu’ils arrivent à me convaincre de la nécessité de lire le livre dont ils me parlent. Dans le cas présent, ce ne sont pas les mots qui ont été prononcés, mais bien l’étincelle du regard qui m’a fait flancher.
Myriam Beaudoin, l’auteure de Hadassa signe ici un roman de grandes passions, d’amour éternel et d’émotions des plus intenses. On s’attache au personnage d’Éva, cette vieille dame amoureuse d’Onil Lenoir, ce grand écrivain qui a fait chavirer son cœur. Elle revit une période de sa vie par l’intermédiaire de lettres qui lui sont lues par Jacques qui s’est un jour présenté à elle dans ce centre pour personne âgées où elle ne reçoit pas de visite. Il fait la lecture à cette charmante dame qui n’a plus toute sa tête depuis qu’elle a perdu l’amour de sa vie. Il lui lit les lettres qu’elle a écrites à Onil, lui fait revivre toute une étape de sa vie de jeune femme, de cette année où elle a couché sur papier son amour, ses espoirs, ses attentes, espérant une réponse, une lettre, une carte postale, une phrase, un mot, mais non.
Ce 33, chemin de la Baleine se veut une ode à l’amour, l’inconditionnel, le destructeur, et celui qui est encore possible, celui auquel il faut encore croire. L’écriture de Myriam Beaudoin est sensible, émouvante, douloureuse, vraie. Elle nous rappelle les passions que nous avons vécues, ces moments d’attente de l’autre après seulement quelques heures de séparation, ces papillons virevoltants jusqu’à s’étourdir dans nos ventres en manque du regard de l’autre. Mais aussi ces moments de désespoir, de déchirements, où même le miel avait le goût du charbon, où même le plus beau coucher de soleil n’arrivait pas à nous faire plaisir, où même l’odeur des lilas nous donnait la nausée. Ces moments où nous restions étendus dans nos draps, sans les laver, question de conserver l’odeur de l’autre. Ces moments que nous avons vécus, vaincus à force de larmes, de cris, de silence. Ces moments qui nous laissent malgré tout un goût d’espoir au fond du cœur, l’esquisse d’un sourire aux bords des lèvres parce qu’après tout, il faut encore croire.