10 romans québécois à lire dans sa vie
Je sais, je sais, il y a ce genre de listes partout! Mais, promis, je ne vous proposerai pas les grands classiques Menaud maître draveur, Volkswagen blues ou Le matou, même si ce sont des livres phares. Non, je vous présente plutôt 10 romans québécois dont je garde les plus beaux souvenirs après de nombreuses années.
Whisky et Paraboles
Par Roxane Bouchard
Résumé
« De quel calvaire suis-je donc descendues pour tout vendre d’un coup? Et fuir pendant des jours, des jours et des jours. Vouloir oublier. De fuites en aiguilles. Tellement de brouillards qui dansent. Des lambeaux de souvenirs. Et. »
Une jeune femme quitte tout pour aller s’installer au fond des bois. Elle veut refaire sa vie, recommencer à zéro. Mais les voisins sont là… Entre un gros gras grand musicien irresponsable qui accumule les lettres d’amour sans les ouvrir, un Amérindien qui lit Gaston Miron et un violoniste relayeur de folklore, elle a du mal à se franchir et le bas se transforme en refuge. Jusqu’à ce qu’arrive Agnès, une enfant battue de huit ans, qui s’attache à elle et s’acharne à entrer dans son histoire.
Whisky et paraboles est le journal d’Élie, une jeune trentenaire, qui tente de se pardonner tout ce qu’elle ne peut pas être. En triturant les mots, en bousculant les phrases, elle cherche à exorciser les vieux démons de l’immobilisme, du prêt-à-penser et de la parole toute faite.
Le début
M’enfuir. J’ai claqué toutes les portes pour aller m’échouer dans mon auto et j’ai grignoté les routes du Québec, kilomètre par kilomètre, conduisant mon désarroi fugitif sur les chiffres : la 31, la 40, la 55, la 138. J’y suis allée comme à la loto, gagnant pour gros lots des noms de villages qui baptisaient ma tourmente de cette poésie qui a convaincue Maria Chapdelaine de s’établir à Péribonka : Saint-Ferréol-les-Neiges, Saint-Aimé-des-Lacs, Cap-à-l’Aigle, Port-au-Persil. J’ai erré des jours, des jours et des jours, orientant mon repentir sur les clochers paroissiaux, dormant sur l’accotement, cherchant là où je pourrais dire «ici» et sentir que.
Le souvenir que j’en garde
De cette lecture, je garde le souvenir d’une écriture fabuleusement vivante, plein de rythme. Les images qui me reviennent en tête sont celles de lettres d’amour qui fleurissent, d’amitié qui se tricotent doucement et de blessures qui finissent par guérir. À lire parce que.
Le vent en parle encore
Par Michel Jean
Résumé
À quatorze ans, Virginie, Marie et Thomas sont arrachés à leurs familles sur ordre du gouvernement canadien. Avec les autres jeunes du village, ils sont envoyés, en avion, dans un pensionnat perdu sur une île à près de 1000 kilomètres de chez eux pour y être éduqués. On leur coupe les cheveux, on les lave et on leur donne un uniforme. Il leur est interdit de parler leur langue. Leur nom n’existe plus, ils sont désormais un numéro. Soixante-dix-sept ans plus tard, l’avocate Audrey Duval cherche à comprendre ce qui s’est passé à Fort George, l’île maudite balayée par l’impitoyable vent du large, et ce qu’il est advenu des trois jeunes disparus mystérieusement. Une histoire où l’amour et l’amitié offrent les seuls remparts contre les agressions et la violence.
Le début
Clac! Le bruit du métal qui s’enfonce dans la terre durcie résonne dans la nuit froide. Clac! Le son fait écho au ressac de la mer griffant les rochers couverts de lichen. Clac! L’homme creuse méthodiquement. Clac! Un coup à la fois. Clac! Le vent du nord lui gifle le visage, mais ne parvient âs à sécher les larmes qui se mêlent à la sueur. Clac! Il frappe le sol comme on frappe à la hache l’arbre qu’on cherche à abattre. Avec une triste détermination. Clac!
Le souvenir que j’en garde
Ce n’est pas mon roman préféré de cet auteur (J’ai préféré Kukum), mais je trouve que Le Vent en parle encore est un roman nécessaire qui raconte un pan de notre histoire sombre, celle où les blancs ont décidé de «réformer» les Autochtones. En tant que blanche, jamais je n’avais entendu parler de ces abus de nos gouvernements envers une portion de notre population. Un roman nécessaire et magnifiquement bien écrit.
33, chemin de la baleine
Par Myriam Beaudoin
Résumé
Voici un roman d’amour, un grand roman d’amour contrarié qui se déroule sur deux époques : les années cinquante et maintenant.
Une vieille dame charmante, qui n’a plus tout à fait sa tête, reçoit la visite d’un jeune homme porteur d’un paquet de lettres anciennes dont il lui fera la lecture. Or ces lettres d’amour et d’abandon, écrites par une jeune femme à son mari écrivain comportent d’étranges ressemblances avec le passé confus de la vieille dame.
La jeune femme sera trahie, mais la qualité de son amour, sa candeur, sa force nous pousse à prendre parti pour elle, et à souhaiter de tout coeur un dénouement heureux.
Dénouement heureux il y aura, mais pas exactement là où le lecteur l’attendait…
Après le succès de Hadassa, son précédent roman, Myriam Beaudoin, avec 33 , chemin de la Baleine, prouve encore une fois qu’elle n’a pas peur des grandes passions, sources de joies et de douleurs.
Le début
Quand la préposée était entrée, elle avait d’abord vu la bouche toute barbouillée de rouge. Un vrai dégât. Tout de suite après, le collet de sa robe, aussi taché d’un grande trace grasse de la même couleur, et enfin, sur la commode, le bâton de rouge à lèvres, cassé en deux. La préposée s’était avancée et on avait entendu la semelle de ses chaussures blanches couiner sur le prélart.
Le souvenir que j’en garde
Ce 33, chemin de la Baleine se veut une ode à l’amour, l’inconditionnel, le destructeur, et celui qui est encore possible, celui auquel il faut encore croire. L’écriture de Myriam Beaudoin est fluide et même si le propos est parfois triste, ce roman nous enveloppe de douceur amoureuse.
Clochard
Par Jocelyn Lanouette
Résumé
« Je me place au centre du trottoir et je descends mon pantalon jusqu’aux genoux. Ce n’est pas très élégant, j’en suis conscient, mais comme prévu on passe à mes côtés comme si je n’existais pas. Je crie : – Je suis invisible ! Invisible ! Mario vient me rejoindre, il baisse lui aussi son pantalon. Nous devenons tous les deux invisibles. – Alors, convaincu ? – On devrait songer à braquer une banque, avec notre super pouvoir… »
Résidant du Plateau, écrivain de quartier, itinérant : Serge Comtois est surtout un homme qui a touché le fond, qui cherche des moyens de se relever et qui désespère de revoir son fils. Accompagné de ses fidèles collègues de travail, il traîne entre bancs publics et McDo avant de se décider à participer à un concours d’écriture qui changera sa vie, ou du moins son quotidien. Le récit d’un monde dur, beau par moments, appartenant à ceux que l’injustice sociale a relégués à la marge.
Le début
Je ne vous aime pas beaucoup. Vous êtes tous plus vulgaires les uns que les autres. Votre âme est minuscule; votre vulgarité, sans borne.
Comme ils me regardent de haut, je lâche parfois mon crayon :
- Ça va bien ce matin?
Prendre la plus grande part possible du gâteau est votre devise.
Je leur fait mon plus beau sourire, question de leur faire comprendre que j’ai quelque chose qu’ils n’ont pas.
Le souvenir que j’en garde
Redonnant sa juste valeur à l’humain derrière l’itinérant, Lanouette nous offre ici une histoire attendrissante qui change notre perception et qui nous pousse à offrir encore plus que quelques pièces à ces hommes assis devant un gobelet à café vide : un bonjour, un sourire et, surtout, beaucoup de respect.
HKPQ
Par Michèle Plomer
Résumé
Une jeune femme quitte subitement le Québec après la noyade d’un proche pour se retrouver à Hong Kong.
Dans les rues pavées à l’époque de dynasties anciennes avec un composé de sable, de coquillages et d’eau salée, surviennent des rencontres décisives : celle de Wang Xia, une jeune voleuse trempée de pluie qui confie à la narratrice une lettre destinée à sa mère introuvable. Puis celle de la chance, si chère aux Hongkongais qu’elle guide plusieurs de leurs décisions quotidiennes. Celle enfin d’un poisson d’un rose tendre et translucide comme un camée qui deviendra le centre d’une enquête. Dans la chaleur humide, l’esprit s’ouvre et se calme, et navigue bientôt vers le bonheur.
HKPQ est un roman brodé d’espoir et de délicatesse, qui laisse une marque indélébile sur l’esprit.
Le début
Donghuan-Canton. Départ, 22h40; arrivée, 23h05.
J’étais dans le train qui sillonne le derme et les entrailles du Grand Canton. Je venais tout juste de commencer à travailler pour une organisation internationale qui engraisse ses actionnaires sous une patine de bienfaisance. J’étais affectée à un point de service dans la banlieue manufacturière de Donghuan, mais on me logeait dans un hôtel en ville pour mon confort.
Le souvenir que j’en garde
HKPQ est un roman brodé d’espoir et de délicatesse, qui laisse une marque indélébile sur l’esprit. L’écriture de Michèle Plomer est fluide et d’une sensibilité propre à ceux qui savent lire dans l’âme des gens qu’ils rencontrent.
La petite fille qui aimait trop les allumettes
Par Gaétan Soucy
Résumé
Nous avons dû prendre l’univers en main mon frère et moi car un matin un peu avant l’aube papa rendit l’âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l’écorce, ses décrets si subitement tombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l’étage où papa nous commandait tout, la veille encore. Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c’était notre mortier. Sans papa nous ne savions rien faire. À peine pouvions-nous par nous-mêmes hésiter, exister, avoir peur, souffrir.
Le début
Nous avons dû prendre l’univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l’aube papa rendit l’âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l’écorce, ses décrets si subitement tombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l’étage d’où papa nous commandait tout, la veille encore, il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c’était notre mortier. Sans papa nous ne savions rien faire. À peine pouvions-nous par nous-mêmes hésiter, exister, avoir peur, souffrir.
Le souvenir que j’en garde
Voilà un roman déstabilisant à souhait. Je l’ai lu il y a plusieurs années déjà et j’en garde le souvenir envoûtant d’une langue finement maniée qui s’enfonce dans un récit hypnotisant!
Marie Quatdoigts
Par Roger Des Roches
Résumé
Marie n’a pas d’amis. Elle est plutôt le souffle-douleur de Pinotte, le petit dur de l’école qui ne manque aucune occasion, depuis des années, de se moquer d’elle et de lui rendre la vie infernale. Pourquoi? Parce qu’elle est un petit peur différente des autres… Personne ne veut d’elle? D’accord! Marie s’arrangera toute seule! Voilà pourquoi elle doute un peu, au départ, des intentions de ce garçon qui vient s’asseoir à sa table dans la cafétéria. Mais une première amitié sincère naîtra et Mari pourra enfin partager avec Robert son plus grand secret : les catacombes sous l’école!
Voici un roman qui fait, sans lourdeur ni morale, l’éloge de la différente. On y rencontre Marie, Robert et Pinotte, des personnages colorés, entiers et franchement drôles. Très original, ce récit conjugue l’écriture exceptionnelle de l’auteur Roger Des Roches aux belles illustrations de Carl Pelletier.
Le début
Ah, oui? Tu veux t’asseoir à ma table? Ma table à moi? Hum! Pourtant, il y en a beaucoup d’autres, des tables, autour de nous! Il y en a beaucoup d’autres tables, dans la cafétéria, avec plein de gens beaucoup plus intéressants que moi! D’ailleurs, tiens, si j’étais toi, j’irais manger avec Sophie là-bas. Tu vois, la jolie fille avec les belles boucles dorées? Il paraît qu’elle n’a plus de petit ami maintenant , alors j’imagine qu’elle doit être si triste…
Oh! C’est avec moi que tu veux t’asseoir, pas avec Sophie?
Ah, bon…
Le souvenir que j’en garde
J’ai découvert ce roman alors que j’étais libraire jeunesse en 2004. Je l’ai lu d’une traite lors d’une pause de midi et j’ai éprouvé une amitié profonde envers cette jeune fille différente et cette écriture rythmée. Je sais, c’est un roman jeunesse, mais personne n’a jamais dit qu’un adulte ne pouvait s’offrir le plaisir de plonger dans une histoire qui fait sourire!
Un dimanche à la piscine à Kigali
Par Gil Courtemanche
Résumé
Bernard Valcourt est journaliste. Il a été témoin de la famine en Éthiopie. Il a vu la guerre au Liban. Il n’a plus rien à apprendre au sujet de l’horreur dont les hommes sont capables. Et c’est par désoeuvrement qu’il accepte, au début des années 90, de se rendre au Rwanda pour mettre sur pied un service de télévision. Un dimanche à la piscine à Kigali retrace de façon saisissante l’histoire récente du Rwanda et parvient à faire comprendre les mécanismes du génocide mieux que tous les bulletins de nouvelles.
Le début
Au centre de Kigali, il y a une piscine entourée d’une vingtaine de tables et de transats en résine de synthèse. Puis, formant un grand L qui surplombe cette tache bleue, l’hôtel des Mile-Collines avec sa clientèle de coopérants, d’experts internationaux, de bourgeois rwandats, d’expatriés retors ou tristes et de prostituées. Tout autous de la piscine et de l’hôtel se déploie dans un désorde lascif la ville qui compte, celle qui décide, qui vole, qui tue et qui vit très bien merci.
Le souvenir que j’en garde
Ce roman est dur. Terriblement dur. Il s’agit d’un témoignage poignant du journaliste Gil Courtemanche qui met en scène des personnages vivants au Rwanda en 1994 au moment où les Tutsi font face à un génocide d’une violence sans borne. À travers cette horreur, Courtemanche face place à ces gens, qu’ils soient bourreaux ou victimes, pour présenter aux lecteurs, l’humain derrière la nouvelle.
Le souffle de l’harmattan
Par Sylvain Trudel
Résumé
Voici l’histoire, racontée par Hugues, de son amitié pour Habéké, un camarade de classe d’origine africaine. Dans une prose inventive et chatoyante, ce récit recrée le monde enchanté de l’enfance, entre l’école et la famille, avec sa gravité et sa fantaisie, avec ses oscillations entre l’exaltation et le désespoir, avec ses rites inventés et ses cérémonies pour conjurer le sort et susciter les miracles.
Le début
Habéké Axoum c’était le plus intelligent de tous parce qu’avec ça il avait la naïveté et tout chez lui pouvait se faire. Les enfants, on est connus pour ça, on a des pouvoirs. Par exemple dans mon assiette, un brocoli c’est un orme, les patates pilées font un château et la sauce c’est l’eau des fossés, et les haricots dans la sauce sont es crocodiles qui font peur aux ennemis. Dans le château, il y a un radis qui règne sur le royaume, et une tour qui emprisonne une petite carotte marinée avec laquelle je suis en amour.
Le souvenir que j’en garde
Ce roman de Sylvain Trudel était à l’étude de mon cours de littérature québécoise en cegep alors que j’avais à peine 17 ans. Il m’en reste le souvenir d’un livre qui met de l’avant une amitié infinie entre un petit québécois et un enfant de sa classe d’origine africaine, sans aucune forme d’intolérance et dans une langue pleine d’étincelles, à l’image du langage enfantin.
Le fleuve
Par Sylvie Drapeau
Résumé
Pour les enfants de la meute, qui ont grandit sur la Côte-Nord, le fleuve est une inépuisable source d’aventures et d’émerveillement. Jusqu’au jour où il emporte Roch, le grand frère adoré, brisant net l’équilibre de tout le clan. Les petits sont dispersés, les parents broient leur peine, l’été qui s’allonge est un long chemin de croix.
Entre la cueillette de fruits défendus, les excursions exaltantes dans la forêt bleue, les visites étonnées dans un sud aussi doux que le nord est rude et sauvage, se dessine le destin d’une famille marquée par la tragédie et la renaissance. Et celui d’une petite fille sauvée par une maîtresse d’école qui a «deux pierres précieuses à la place des yeux».
Femme de parole, l’auteure connaît tous les rouages du langage, ses moindres subtilités, ses résonances profondes. Elle nous offre un texte poétique d’une grande beauté, un chant pieux, une merveilleuse prière qui dit la douleur et la rédemption avec une justesse infinie.
Le début
Par beau temps, sur le fleuve, il y a comme des diamants qui flottent, qui pétillent et qui rient. Lorsqu’on remonte, lorsqu’on revient de ses profondeurs, à un moment, je suppose, toute cette lumière vous explose au visage.
Il y a toujours eu le fleuve. Il était là, en bas de la colline sur laquelle était juchée notre maison. On pouvait le voir au loin, de la fenêtre de la salle à manger. Une forêt noire nous séparait de lui. Immuablement présent dans le paysage de l’enfance, il faudra pourtant un jour le longer pour quitter la Côte-Nord et atteindre le sud-ouest et ses grandes villes, qui te demeureront à jamais inconnues.
Le souvenir que j’en garde
Le Fleuve est un roman d’une grande tendresse même si l’histoire racontée est déchirante. À lire, plus d’une fois, pour pleurer un peu et se souvenir de tous ceux avec qui nous avons grandi.