Quand la justice fait du zèle… L’histoire d’Yvan Godbout
C’est rare que ça m’arrive, mais là on dirait que je ne sais pas par où commencer… J’ai lu des articles au sujet de cette histoire que je m’apprête à aborder. Beaucoup d’articles. J’en ai parlé avec des gens. Beaucoup de gens. Des auteurs, évidemment, parce que j’en connais plusieurs, mais aussi des personnes qui n’évoluent pas dans le domaine de l’édition. Je tentais de vérifier mes impressions, de les valider en quelque sorte.
Les faits (mais pas tous)
Allons-y avec quelques faits pour mettre en place la situation pour ceux qui ne savent pas de quoi on parle.
En septembre 2017, Yvan Godbout publie un livre intitulé Hansel et Gretel dans la collection « Les contes interdits » aux Éditions ADA.
En 2018, une enseignante, à la recherche d’un nouveau livre pour ses élèves, tombe sur ce roman dans lequel elle lit une scène si choquante qu’elle décide de porter plainte contre l’auteur. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP, c’est l’organisme judiciaire qui représente la société) a jugé bon de retenir la plainte et donc d’intenter un procès. Genre. Je ne connais pas tous les méandres de la justice pour en arriver là, mais la finalité est celle-là et je m’intéresse plus à l’impact de la décision à vrai dire…
Arrêtés le 14 mars 2019, l’auteur Yvan Godbout et le directeur des éditions ADA, Nycolas Doucet sont respectivement accusés de production et distribution de pornographie juvénile. Ajoutons que le matériel informatique de l’auteur a été saisi et analysé. Rien de suspect n’a été trouvé. Il n’y avait rien à trouver de suspect de toute manière sur l’ordinateur de ce père de famille.
L’histoire aurait pu s’arrêter là… le DPCP aurait pu se rendre compte à quel point toute cette affaire dépassait l’entendement, mais non. La poursuite a été jugée recevable, une date de procès a été donnée…
Je n’ai pas tous les détails en tête en ce moment, je suis plus émotive qu’autre chose. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que Yvan Godbout et sa maison d’édition sont accusés au criminel et passibles d’emprisonnement… 14 ans pour l’auteur si je me souviens bien… Je pourrais vérifier, mais, au moment d’écrire ces lignes, j’ai plus envie de pleurer qu’autre chose.
Mais revenons aux faits un instant…
La scène choquante en question en est une de viol d’une jeune fille de 9 ans par son beau-père, le chum de sa mère. On parle de quelques lignes dans un livre de 270 pages.
Je l’ai lue. Est-ce choquant? Ben oui, c’est choquant! Il faudrait être totalement inhumain pour rester insensible face à la description d’une telle scène. L’écriture est graphique, on y parle de la main de l’enfant, du gland de son père, de son éjaculation… Bref, c’est intense et dérangeant. Mais au-delà de la scène qui nous lève le cœur, on lit aussi que le père est nommé « le salaud », « le porc », « le cochon », « monstre », « un gros tas de merde »… L’agresseur n’est absolument pas protégé. Il s’agit simplement d’un gros dégueulasse qui meurt quelques lignes plus loin sous les coups de cendrier que sa jeune victime lui assène sur le crâne.
J’ai plus considéré ce bout de texte comme une dénonciation qu’autre chose, une manière de montrer une réalité gerbante. Un peu comme dans tous les livres de faits vécus d’agression ou d’abus que j’ai lus dans ma vie : Des fleurs sur la neige, Moi, Christiane F., droguée, prostituée, L’Alliance de la brebis, Briser le silence (l’histoire de Nathalie Simard et son abuseur…) et même des romans comme Une semaine de vacances qui m’a vraiment déstabilisée.
Ce que la loi dit sur la pornographie juvénile
Voici ce qu’en dit le Code criminel
«Définition de pornographie juvénile
• 163.1 (1) Au présent article, pornographie juvénile s’entend, selon le cas : […]
• Production de pornographie juvénile
(2) Quiconque produit, imprime ou publie, ou a en sa possession en vue de la publication, de la pornographie juvénile est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale étant de un an.
• Distribution de pornographie juvénile
(3) Quiconque transmet, rend accessible, distribue, vend, importe ou exporte de la pornographie juvénile ou en fait la publicité, ou en a en sa possession en vue de la transmettre, de la rendre accessible, de la distribuer, de la vendre, de l’exporter ou d’en faire la publicité, est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale étant de un an.
• Possession de pornographie juvénile
(4) Quiconque a en sa possession de la pornographie juvénile est coupable :
[…]»
C’est donc dire que, selon la loi, si vous avez ce livre en votre possession, vous pouvez être accusé vous aussi…
Le Code criminel dit aussi que la question de l’intention est centrale afin de déterminer s’il s’agit bien de matériel de pornographie juvénile.
Donc, l’intention… Comme je l’ai mentionné, l’agresseur est traité de tous les noms, la victime se venge… ça semble être de la dénonciation. Alors, pour moi, l’issue est simple. L’auteur Yvan Godbout n’est pas un producteur de pornographie juvénile. C’est un auteur qui a écrit un roman en s’inspirant de l’histoire d’Hansel et Gretel, en décrivant une réalité qu’il condamne : l’abus d’enfant par de gros tas de merde! Une réalité difficile à lire parce qu’on sait tous que ça existe réellement dans notre société.
Un cri du cœur…
Avant d’écrire cet article, je me suis longuement demandé ce que moi je pouvais ajouter à cette histoire, ce que mon point de vue pouvait changer, comment je pouvais, moi, simple petite blogueuse, faire réagir, dénoncer l’absurdité… J’ai vu la vague passer dans les médias et j’ai attendu l’éclair de génie pour y ajouter mon grain de sel. Parce que je trouvais ça important et parce que je savais que l’auteur vivait des moments difficiles… comment aurait-il pu en être autrement selon les circonstances? Je me suis dit que je pourrais parler de censure, du précédent que ça allait créer.
Puis ce soir, j’ai envoyé un message Facebook à une amie pour ensuite tomber sur un long statut sur le profil personnel d’Yvan. Je ne le connais pas. Je ne l’ai même jamais rencontré, mais lire ce texte m’a littéralement fait pleurer. Et je me suis dit que je n’avais pas besoin de trouver un autre angle, que celui que j’avais déjà en tête était le bon : l’humain derrière l’histoire absurde et injuste…
Tout ça pour avoir écrit un roman… Je ne sais pas comment les choses vont se terminer pour Yvan. J’espère de tout cœur qu’il ira mieux… que cette histoire absurde se réglera rapidement et qu’il arrivera à se reconstruire… mais je sais bien que les choses ne sont pas aussi simples que ça, que surmonter une telle épreuve demande beaucoup plus que du courage et que plus jamais il ne sera le même homme. 🙁
En attendant, si vous avez envie de lui venir en aide dans la mesure de vos moyens, des gens qui tiennent à lui ont décidé de mettre sur pied une collecte de fonds : https://www.paypal.me/soutenonsYvan
Bibliographie
Code criminel – consulté le 18 décembre 2019