Le fléau du piratage de livres

J’ai été très inspirée pendant une conversation Facebook sur le profil d’une amie auteure… Celle-ci mentionnait qu’elle avait découvert que 18 de ses romans étaient disponibles en téléchargement gratuit sur des sites de piratage… En voilà que certaines personnes lui répondaient que les gens devaient avoir accès à la culture gratuitement et que, franchement, le prix exorbitant des livres, ça donne juste envie de les pirater (je résume grossièrement)! Finalement, pourquoi payer alors qu’on peut l’avoir gratis!
Ce que j’ai retenu de ces échanges, c’est que clairement les pirates ne sont absolument pas conscients. Pire, ils en sont passablement fiers parce que, selon eux, l’important c’est que la culture circule. Voici donc quelques faussetés à rétablir!
«Écrire un livre, c’est facile!»
Si vous pensez réellement qu’écrire un livre est facile, assoyez-vous et commencez. Trouvez une idée. Quand vous serez à 40 000 mots qui se tiennent en une histoire, relisez, modifiez, coupez, ajoutez, faites lire à quelqu’un, modifiez selon ses commentaires, corrigez les fautes, faites les vérifications historiques, factuelles. Relisez encore, modifiez encore.
(Je pourrais continuer longtemps!)
Alors, combien de temps avez-vous mis pour faire tout ça? Des semaines, des mois, des années? Parfait! Maintenant, trouvez un éditeur qui voudra vous publiez et attendez de recevoir un montant d’argent de sa part si ça fonctionne.
«Les auteurs sont riches»
Il faut garder en tête qu’à part l’à-valoir (une avance sur les droits d’auteur que certaines maisons d’édition accordent aux auteurs), ou les livres qui sont payés à forfait (c’est plutôt rare), les auteurs ne reçoivent aucune somme d’argent pendant leur période d’écriture. Ils doivent donc travailler ailleurs ou avoir des économies pour vivre (tsé, l’épicerie, l’électricité, le téléphone…)
Le salaire des auteurs est le résultat de la vente de leurs livres, mais ne leur est pas versé aux deux semaines comme pour un travailleur «normal». Évidemment, s’il n’y a pas de vente… aucun montant d’argent n’entre dans le compte en banque de l’auteur qui a travaillé pendant un nombre incalculable d’heures (voir point précédent!).
Saviez-vous qu’au Québec…
« À peine 9 % des écrivains comptent sur leurs droits d’auteur comme principale source de revenus »
Source : Institut de la statistique du Québec
[En 2008], Les deux tiers (65 % ou 980 personnes) des écrivains québécois ont tiré moins de 5 000 $ de leur travail de création littéraire, tandis que 22 % (ou 330 personnes) ont touché entre 5 000 $ et 19 999 $ et 13 % (ou 200 personnes), 20 000 $ ou plus (tableaux 2 et 3). Une trentaine d’écrivains (2 %) ont tiré un revenu de création de 60 000 $ ou plus. Le revenu médian tiré de la création littéraire est de 2 450 $.
Source : Institut de la statistique du Québec
Donc, on peut dire qu’une trentaine d’écrivains gagnent bien leur vie au Québec, soit 2% qui récoltent 60 000$ et plus. Quand on parle de 65% des auteurs d’ici qui gagnent moins de 5000$ avec leurs livres, vous trouvez vraiment qu’ils sont riches?
En fait, le monde médiatique d’aujourd’hui nous montre des auteurs à succès. Beaucoup. Souvent. Ça ne veut pas dire qu’ils vendent des milliers d’exemplaires, mais ça donne une illusion… tsé, ils passent à la TV, ils sont riches! Mais ça n’a rien à voir…
Imaginons un cas fictif d’auteur qui publie un roman qu’il a mis 2 ans à écrire à travers son travail à temps plein qui lui permet de vivre. Et voilà que son livre se vend bien, il en vend 3000, c’est un best–seller (oui, oui, vrai de vrai!). Le roman est vendu 24,95$ alors, regardons ensemble combien l’auteur reçoit pour son best–seller! Le gros mot qui fait penser que l’auteur est riche!
24,95$ x 3000 copies = 74 850$ (de ventes) x 10% (la redevance de l’auteur) = 7485$ dans les poches de l’auteur
On s’entend que l’auteur ne s’achètera pas un loft à Paris avec son salaire de 2 ans de création!
Mais pour les auteurs qui réussissent à vivre avec leurs redevances de livres (et c’est très bien pour eux, ils le méritent amplement!), il y a des centaines d’autres auteurs qui en vendent moins pour diverses raisons. Ces derniers ont aussi travaillé fort sur leur œuvre et, ai-je besoin de le spécifier, ce n’est pas parce qu’un livre est moins vendu qu’il est moins bon à tous points de vue! (Il y en a évidemment des mauvais, mais ce n’est pas le sujet ici!)
«Je pirate, mais je parle des livres, c’est ça l’important!»
Hum… aucun auteur n’arrive à payer son compte de téléphone avec les mentions de ses livres s’ils ne sont pas convertis en vente. Comme n’importe quel travailleur. Si votre employeur vous dit «Cette semaine, je ne te paie pas, mais je te fais une maudite bonne critique par exemple!», comment réagissez-vous?
Voilà, tout est dit!
«Moi je pirate J.K. Rowling, mais pas les auteurs québécois»
Euh… NON! Ce n’est pas plus acceptable de pirater un auteur à succès qu’un auteur d’ici. Le faire et le croire revient à penser que partir sans payer de chez McDo, c’est correct, mais pas de la sandwicherie du coin. C’est complètement illogique. Voler, c’est voler. P.O.I.N.T.
«Ben tsé, les auteurs ont juste à poursuivre les sites pirates!»
Oh là là. Je ne sais pas trop par où commencer pour vous expliquer que régir Internet est une entreprise impossible. Ce n’est pas parce qu’un site pirate est accessible au Canada qu’il est hébergé sur des serveurs canadiens, donc, sous la législation de notre pays. Et ce n’est pas parce qu’on arrive à faire fermer un site que le piratage arrête.
Dans les faits, il est facile pour les fondateurs de ces sites de les rouvrir sur d’autres serveurs avec une multitude de redirections les rendant très difficiles à retracer.
Donc, on oublie le projet!
«La culture devrait être gratuite pour tout le monde»
C’est une bien belle utopie, mais dans les faits, rien n’est gratuit dans la vie. Si les biens culturels étaient gratuits, qui paierait les auteurs pour leur travail vous pensez? Oui oui, le gouvernement! Et c’est qui, le gouvernement dites-moi?
Je vous laisse réfléchir. Un indice? Le gouvernement ne possède pas de presse à billets ($$$) dans un sous-sol du Parlement!
Les méfaits du piratage
Quand vous piratez un livre (ou n’importe quelle œuvre : film, musique, série télé…), vous volez l’auteur et enfreignez la Loi sur le droit d’auteur.
J’ai bien de la difficulté à croire qu’en 2018 on est encore obligé d’expliquer aux gens que pirater, c’est voler. Imaginez que vous travaillez pendant une semaine et que, finalement, votre employeur vous annonce qu’il ne peut pas vous payer parce que votre salaire a été piraté. Est-ce que ce serait acceptable? Bien sûr que non. Ça ne l’est pas plus pour un auteur.
Si vous entrez dans une pharmacie et que vous choisissez une pile de magazines, est-ce que vous oseriez sortir sans les payer? Non, vous savez que c’est mal. Alors, il faudrait que quelqu’un m’explique pourquoi certaines personnes se sentent tout à fait à l’aise de télécharger illégalement des œuvres sans les payer.
Vous n’avez pas de sous pour acheter des livres? J’ai des solutions pour vous!
Évidemment, ce n’est pas tout le monde qui a les moyens d’acheter des livres et je comprends très bien ça. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de lire à peu de frais ou tout à fait gratuitement au Québec!
- Il y a un très grand réseau de librairies usagées partout en province et plusieurs offrent aussi des sites de commandes en ligne. Ma préférée : Librairie Icitte. N’hésitez pas à commenter en mentionnant celle que vous visitez!
- À travers le Québec, il existe 899 croque-livres. Il s’agit de petites bibliothèques de rue où des gens déposent des livres à donner. Vous en prenez un, vous en ramenez un. Ça ne vous coûte donc absolument rien et vous pouvez lire de nombreux livres en plus de découvrir votre quartier! Pour vérifier s’il y en a un près de chez vous : Croque-livres
- Au Québec, 96% de la population a accès à une bibliothèque municipale et la plupart sont gratuites (ou offrent un abonnement pour un tarif très bas!) et bien garnies pour le plaisir des lecteurs! Le tout disponible en format papier ou numérique pour lequel il n’est même pas nécessaire de sortir de chez soi! En plus, les auteurs reçoivent un petit montant en lien avec la présence de leur livre en bibliothèque.
- Vous voulez un livre spécifique que vous ne trouvez pas? S’il est disponible à la Grande bibliothèque, vous pouvez l’emprunter en passant par votre bibliothèque municipale. Que vous habitiez en Gaspésie, au Saguenay, sur la Côte-Nord ou à Québec, la BanQ est GRATUITE pour tous les résidents du Québec!
- Vous avez envie de lire Alice au pays des merveilles, Les Trois mousquetaires ou Tom Sawyer? Ça tombe bien, ces livres ne sont plus régis par le droit d’auteur étant donné que les auteurs de ces œuvres sont décédés depuis plus de 50 ans alors ils sont disponibles en téléchargement gratuit sur le site du Projet Gutenberg. Allez faire un tour, vous y trouverez une mine d’or de livres pour vous sustenter!
Vous êtes encore septique en ce qui concerne la disponibilité des livres? Je vous invite à m’écrire. Je vous trouverai une solution autre que le piratage qui pénalise les auteurs et finira par anéantir notre culture.